Landru sauve sa tête…

LANDRU SAUVE SA TETE

Dans les coulisses de la Cour d’Assises de Gambais (78).

Michel Malherbe
Ecrivain-historien

(Crédit photograhique : Françoise Feys)

Gambais, samedi 27 mai 2023, en soirée. Une version revue et corrigée du procès Landru, était présentée au public. « Je n’ai rien à vous dire », car tel était le titre de cette magnifique représentation théâtrale. Une pièce de Louis Barraud et Jelena Jocic, menée tambour battant par une troupe talentueuse : Gauthier Jeanbart, Margaux Jaeger, Romain Pirosa, François Priou, Domitille Leboeuf et Louis Barraud

A l’initiative de la municipalité, se déroulait une reprise du célèbre procès de Versailles. Pour mémoire. Le 30 novembre 1921, Henri-Désiré Landru, accusé de onze homicides volontaires (10 femmes et un jeune homme) sera condamné à la peine capitale et exécuté à Versailles, le 25 février suivant. Un prétoire très original, cette fois, puisque la salle du foyer municipal de Gambais était transformé en lieu de justice. Comme ce fut jadis le cas, lors du procès original, cette représentation théâtrale, menée de main de maître par cette  petite troupe artistique talentueuse, a attiré un très nombreux public. Elément surprenant, malgré le côté un peu « gore » de cette affaire, maintenant centenaire, ce public comptait en ses rangs beaucoup de jeunes gens et de femmes. De même, le public était si nombreux que les organisateurs durent refuser des entrées et prévoir pour le lendemain après-midi une représentation supplémentaire ! Encore moins courant de nos jours, le prix de ce spectacle n’était pas fixé. Il se faisait sur la base d’une participation libre. Le public pouvait donner, en fin de représentation, ce qu’il voulait ou pouvait, en fonction de ses moyens. De fait,  la salle était accessible à tous !

Jurés d’Assises le temps d’une soirée…

Juste avant la représentation, quatorze jurés seront tirés au sort, au sein des spectateurs, en fonction des numéros figurant sur les billets remis. Formidable initiative, car les personnes ainsi sélectionnées, vont ainsi avoir à vivre, en situation presque réelle, les angoisses et les doutes d’une Cour d’Assises à une époque où la peine de mort était encore existante et appliquée. Une lourde responsabilité pesait alors sur les épaules des jurés… Pour avoir longtemps fréquenté les Cours d’assises, nous pouvons affirmer combien l’atmosphère est pesante !

Des débats mouvementés 

Quel talent ces artistes ! Pour être l’auteur d’un ouvrage consacré à l’affaire Landru, nous pensons connaître le sujet. Force est d’avouer humblement que nous avons été pris au jeu. Au point  d’oublier un moment que ce procès n’était qu’un jeu de rôles.

Le côté historique a été respecté jusque dans ses moindres détails et les acteurs furent criants de vérité. Nous y trouvions ainsi un Henri-Désiré Landru quelque peu arrogant et chicanier, sachant utiliser les bons mots au bon moment, un avocat général pour le moins tonique et déterminé à obtenir la peine capitale, des répliques et interventions fracassantes du défenseur de Landru, un président pourtant ferme, mais qui avait parfois un peu de mal à remettre de l’ordre dans le prétoire, comme ce fut le cas à Versailles en 1921… Bref, tous les éléments susceptibles de faire un véritable succès étaient présents.

Dernière plaidoirie de la défense

La jeune femme qui tenait le personnage de M° Moro de Giafferi, avocat de Landru et ténor des prétoires, a été admirable tout au long de ce procès. Admirable, car son rôle était ingrat et difficile. Lors de sa plaidoirie finale, elle va reproduire un fait authentique, lequel a finalement pesé très lourd dans la balance de la justice. Montrant au public et jurés une porte de la salle d’audience, elle annoncera que les victimes supposées de Landru se trouvent derrière cette même porte et vont faire leur entrée… Bien entendu, toutes les têtes se tourneront vers cette porte ! Toutes, sauf celle de Landru qui, visiblement n’était pas avisé de la manœuvre de son défenseur et savait pertinemment  qu’un tel miracle ne pouvait se produire. Ce fait sera remarqué par l’avocat général, lequel l’utilisera comme argument à charge… Le poids des mots ne lui a nullement échappé !

Un verdict surprenant…

Comme lors du procès authentique, les jurés de la Cour d’Assises de Gambais vont faire preuve de sentiments très partagés au moment du vote. A ce moment, il règne dans le prétoire une atmosphère étrange. Certes, il y a les faits reprochés à Landru, mais aucune preuve physique (découverte de corps) prouvant ces assassinats n’a pu être apportée au moment de l’enquête. Comme lors du procès de Versailles, la justice n’avait, pour statuer sur le sort de Landru, que les disparitions inquiétantes de dix femmes et un jeune garçon. De fait, face au doute existant, les jurés de Gambais ont voté, cette fois, pour une peine de prison à perpétuité et l’internement au bagne de Cayenne. Landru a donc sauvé sa tête, ce qui ne fut guère le cas à Versailles en 1921. Pourtant, fait rarissime dans l’histoire judiciaire en France, tous les jurés de Versailles avaient signé un recours en grâce collectif dont le président de la République ne tiendra aucun compte le moment venu !

Verdict surprenant, car au sein même des jurés de Gambais, se trouvaient de nombreux jeunes gens et que la gente féminine était fortement représentée. Très intéressant, car lors du procès de 1921, les jurés étaient tous masculins, les dames ne pouvant être « juré d’assises » à ce moment. Il est donc possible, maintenant, de s’interroger sur ce qui serait advenu de Landru avec un jury mixte…  Car, Landru aimait les femmes et ces dernières, reconnaissantes, savaient le lui rendre !

Puisqu’il faut conclure…

Nous avons passé une excellente soirée. Face à cette troupe théâtrale de haut niveau, nous avons littéralement été bluffé par la qualité de ce spectacle dont la vérité historique a été intégralement respectée. Toutes nos félicitations à la municipalité de Gambais, maître d’œuvre de l’organisation sans faille de cet événement.

Cerise sur le gâteau, à la fin du spectacle, nous avons eu la joie de nous faire photographier aux côtés de Landru, celui qui a torturé mon âme, durant ces deux années passées en recherches et écriture de notre ouvrage [1] sur l’un des criminels les plus fascinants de l’histoire contemporaine !


[1] – Michel Malherbe : « LANDRU, le prédateur aux 283 conquêtes » – Editions Ramsay -2019.